Pourquoi ce blog?

Ce blog n'engage que son auteur. Pour le moment les commentaires y sont libres et tout à fait acceptés. Merci d'y préserver les bonnes mœurs et la politesse. Les billets ne contiennent que des productions personnelles de l'auteur. Si certaines questions vous taraudent, n’hésitez pas à m'écrire, je pourrais faire de votre question, un sujet de réponse pour un prochain billet. Si vous souhaitez trouver des recommandations de lectures portant sur des livres d'arts martiaux en général, de self-defense, d'entrainement, ou de développement personnel,voyez mon autre blog! :-)

mardi 15 novembre 2016

Les BUNKAI (1/2)

Ce mois-ci (et le mois prochain…), on parle « BUNKAI ». C’est quoi un « BUNKAI » ? Comment on les apprend ? Comment on les trouve ? Est-ce qu’il y a des BUNKAI cachés ou secrets ? Le KATA « sans les BUNKAI » (vous comprendrez plus tard pourquoi je mets des guillemets…), c’est un peu comme « un couteau sans manche qui n’aurait pas de lame » … ça n’a pas de sens, pas d’intérêt et ça n’existe tout simplement pas… Quand on voit les âneries qu’on entend parfois, je vais tenter d’apporter une modeste contribution pour enrichir la réflexion… Et peut-être vous aider à découvrir des TORIDAI ou HIMITSU, ces BUNKAI qui passent inaperçus aux yeux des non-initiés… A ce propos, je me souviens d’un stage, j’avais 16 ans et entre les 2 cours de l’après-midi, certains faisaient une pause, pendant que d’autres s’entrainaient ou révisaient, Maître Renault tournait tranquillement avec un regard curieux passant d’un élève à l’autre sans rien dire… Je révisais NAIHANSHI JUTSU (la forme KOSHIKI de NAIHANSHI, le nôtre est celui du MOTOBU-HA….), et sur l’un des mouvements, Maître RENAULT me dit « ahhhh ! Ici, il y a l’un des plus beaux BUNKAI du KARATE JUTSU… » Puis, il s’en va sans aucune autre précision avec un regard malicieux et un petit sourire en coin… Depuis j’ai cherché, … en fait j’ai cherché des BUNKAI de NAIHANSHI JUTSU sur tous les mouvements… en fait, j’ai même cherché des BUNKAI de NAIHANSHI JUTSU sur tous les mouvements, jusqu’à en trouver plusieurs sur chaque mouvement… ;-), Maitre ? L’un des plus beaux BUNKAI du KARATE JUTSU, ça ne serait pas un KAITEN NAGE (projection en rotation autour de l’épaule) en JUJI GARAMI (double clef de bras croisés) avec un petit SODE GURUMA JIME ? :-) … 20 ans plus tard, mieux vaut tard que jamais !! Mais du coup, on dit de moi que je ne suis pas trop mauvais pour les BUNKAI… alors je partage… 



1- C'est quoi un BUNKAI... Quelques définitions ?


On entend souvent les BUNKAI c'est les « applications combats » du KATA... Je ne tournerais pas autour du pot : C'est faux! Reprenons dans le détail quelques éléments de définition et essayons de rétablir une grave confusion....

  • KATA : L'une des définitions que l'on retrouve souvent du KATA dans la littérature c'est "un combat contre plusieurs adversaires imaginaires ou non, codifié dans les mouvements d'un style ou d'une école"... Rétablissons déjà une réalité... On peut discuter longuement sur cette définition, il y en a de nombreuses mais elles portent toutes la même idée : un KATA est un COMBAT!!! 
  • Ensuite, la pratique du "KATA" comme on l'entend aujourd'hui, dans le vide, en solo, ne s'appelle pas KATA mais "KAISHO"... 
  • La pratique du KATA avec des partenaires... ce que l'on nomme aujourd'hui les "applications combat du KATA" sont, eux, les BUNKAI... 
On récapitule : 
  • BUNKAI : Pratique du KATA à plusieurs comme plusieurs séquences de combat...
  • KAISHO : Pratique du KATA dans le vide en solo, quand on ne dispose pas d’un partenaire...
Et étymologiquement parlant, BUNKAI signifie « décomposer » : on coupe juste le KATA en séquence. 


2 - Comment se constitue un KATA? 


Ainsi, les Okinawaiens pratiquent le combat, de temps à autre, ils notent qu'une certaine séquence est particulièrement efficace. Nous avons donc ici un BUNKAI KUMITE... Ils commencent donc à la répéter en s’entraînant dans des bagarres (c'est par exemple le cas de Sokon MATSUMURA qui ne rechignait jamais à aller vérifier ses séquences...) ou avec un partenaire à l’abri des regards, en regardant tous les ajustements, toutes les variantes, tous les cas où UKE attaquent de manière légèrement différente, est ce que le BUNKAI fonctionne encore, ou pas... à ce moment-là, on a un BUNKAI KIHON. Une fois rentré chez lui, l'Okinawaien travaille et répète ses séquences, il n'a pas à imaginer, il sait déjà ce que cela signifie, car il l'a travaillé à 2 (ou parfois plus)... On a les KIHON KATA : des séquences de travail dans le vide qui peuvent s'interpréter de plusieurs manières en fonction de l'attaque de votre adversaire ou des ajustements seront nécessaires, ajustement que vous ne pouvez connaitre que si vous avez un partenaire qui a effectivement essayé de vous attaquer... Enfin certaines combattants renommés, réputés pour leur efficacité sont démarchés par d'autres personnes soucieuses d'apprendre... Alors on met les séquences bout à bout, on essaye de faire un petit "package" pour les élèves qu'on a (3 ou 4, rarement plus) et on leur dit "tu as compris, alors répètes cela pour la prochaine fois, jusqu'à ce que ce que soit parfait"... Des séquences de combat (BUNKAI KUMITE), validées et répétées à 2 (BUNKAI KIHON), puis travaillées dans le vide (KIHON KATA) et mises bout à bout (KATA), ça donne un KATA au sens commun d'aujourd'hui.


3 - Une inversion lourde de sens...


En réalité avec le temps les choses se sont inversées... et on s'est mis à pratiquer majoritairement le KAISHO, que l'on a finalement appelé KATA... On prend le KATA comme un schéma à apprendre par cœur et si on a le temps, si le professeur sait enseigner les BUNKAI (on verra que ce n'est pas si simple), si on a des partenaires, on cherche des "applications combats". C'est un non-sens... La pratique du KATA, c'est les BUNKAI, c'est le COMBAT! 

Et en mode dégradé, quand rentré dans le fin fond de leur campagne les Okinawaiens n'avaient plus de partenaire... alors ils s’entraînaient en solo, parce qu'ils ne pouvaient pas faire autrement. Aujourd'hui, on peut travailler seul ses KATA, mais au DOJO on ne devrait travailler qu'avec ses partenaires! En profiter un maximum !! Aujourd'hui la situation est devenue ubuesque, à tel point que le "KATA" en compétition, stylisé à l'extrême, est devenu un exercice gymnique (de très haut vol, attention, je n'ai pas dit que c'était facile!!!), et que rares sont les compétiteurs KATA qui pratiquent aussi le KUMITE (combat) et quand ils le font, ils ne se préparent dans ma même saison au 2 tellement les qualités physiques sont éloignées : Un peu comme si le KARATE des KATA, n'était pas le KARATE des COMBATS. 

Du coup, le "KATA" (c'est à dire le KAISHO) a acquis son autonomie propre! On travaille la forme pour la forme, on débat du meilleur angle pour le SHUTO comme on disserterait sur le sexe des anges... mais sans validation par le combat, le débat n'a aucun intérêt. Mais par contre, on a multiplié les KATA, les variantes, les formes, les experts. En fait, toutes ses formes sont recevables (pour la plupart) dans certaines situations de combat, tout l'enjeu est de savoir quand et de pouvoir s'adapter. Là encore, le combat devrait être l'alpha et l'oméga du KATA... 

4 - Pourquoi une telle dérive?


Parce que les premiers Maîtres à débarquer en Europe n'étaient pas forcément les plus "hauts gradés"...Ils n'avaient donc pas forcément les connaissances complètes du KATA... mais les Japonais ont vite senti que les européens aimaient les arts martiaux, il fallait vendre et le KATA était vendeur... 

Surenchère dans la production de KATA, la plupart des KATA aujourd'hui ont été créés après-guerre, pour l'export international... Certains styles ont 200 KATA, mais reprennent tous les mêmes séquences... Intérêt pédagogique? Nul ne le sait... Mais ça fait travailler la mémoire et ça permet à certains Maîtres de revenir en stage plusieurs dizaines de fois pour enseigner un "nouveau KATA"... 

Tout le monde a oublié. Le KAISHO est devenu le KATA, le BUNKAI est devenu une sorte de bonus pour les élèves sages que le professeur montre au plus méritant ou en stage "spécial" quand on le temps.


5 - Le KATA comme LEGS...


En réalité, le KATA n'est qu'un mémento, un livre ouvert pour qui sait en tirer la moelle. Les Maîtres de KARATE du passé transmettait souvent 1 ou 2 KATA, rarement plus. Ils y mettaient tout leur savoir, d'où les interprétations multiples qu'on peut avoir d'un KATA... Maître CHOKI MOTOBU disait "tout le KARATE est dans NAIHANSHI"... 

  • Parce qu'en réalité NAIHANSHI apparaît souvent comme un KATA d'ATE WAZA : blocages, coups, etc... Classique mais souvent présenté dos à un mur, attaqué par plusieurs types SELF DEFENSE!
  • En 2ème interprétation, sur chaque assaut on peut pratiquement toujours passer une clef (KANSETSU WAZA) ou une mise au sol (DAOSHI WAZA)
  • En 3ème interprétation, sur chaque assaut, on peut y découvrir des étranglements (SHIME WAZA) au sol, debout ou en projection selon les séquences...
  • En 4ème interprétation, on travaillera les KYUSHO (NAIHANSHI viendrait de NAISHOSHIN "ce qui est caché"...)
  • En 5ème interprétation, NAIHANSHIN est un KATA de combat au sol avec retournement, dessaisie, immobilisation, soumissions plus clairement encore que des enchaînements de JJB!!
Et ainsi de suite... chaque séquence peut être travaillée, cherchée, décortiquée... puis passée au crible du combat! Des heures de boulot en perspective! Sur un simple exemple, on peut voir toute la richesse d'un seul KATA. 


6 - On n’enseigne pas des BUNKAI...


Les BUNKAI ne sont pas des assauts conventionnés (des séries techniques où l'attaque et la défense sont codifiées), ils sont l'émanation de la maturité technique d'un pratiquant. 

Si certaines clefs articulaires sont naturelles pour vous alors vous trouverez des BUNKAI les utilisant! Si votre truc, c'est les projections alors il est probable que vous découvriez certaines projections cachées... Si un professeur enseigne "ses BUNKAI", alors son élève pourra sans doute les reproduire, au ralenti, comme un mime technique, mais le professeur a découvert ses BUNKAI avec les techniques matures chez lui et pas nécessairement mature pour son élève. L'élève peut reproduire des BUNKAI "prémâchés", mais il y a fort à parier qu'en combat, il n'arrivera pas à les replacer. 

Les Japonais parlent de MUSHIN : une technique fait partie de votre culture, vous n'avez pas à y réfléchir pour la réaliser, vous l'avez digérée et elle s'exprime naturellement. Une bonne analogie, est la conduite. Quand vous apprenez à conduire, tout vous demande un effort conscient, vous pensez à tout, vous apprenez mentalement à tout faire... puis au bout de quelques semaines, quelques mois, tout se coordonne naturellement, et vous pensez à où vous voulez aller, pas comment gérer le levier de vitesse ou quelle pédale utiliser...

Les BUNKAI sont un peu pareil, si vous n'avez plus à penser à "comment faire une technique", alors vous aurez l'esprit disponible pour trouver des techniques. Une bonne approche est donc de ne pas chercher des choses "trop compliquées" que vous avez aperçu chez d'autres pratiquants, mais d'essayer de construire votre BUNKAI, avec ce que vous savez faire!


7 - Alors comment "découvrir" des BUNKAI...


En fait le rôle du professeur est de créer un contexte favorable à la créativité... Il faut essayer! Croiser les idées! Ne pas essayer de reproduire, mais s'inspirer en construisant son idée. Et la valider à l'aulne du combat. Chacun peut chercher à tout niveau. Mais on ne peut pas faire n'importe quoi!! C'est là le rôle du professeur que d'indiquer pourquoi tel ou telle technique ne fonctionne pas! Chaque idée peut apporter une possibilité mais génère aussi des conséquences. Le Partenaire n'est pas inerte, il n'attend pas que vous dérouliez votre séquence. Si vous vous placer à l'extérieur, vous avez plus de temps... Si au contraire vous vous placez à l'intérieur, ce n'est pas forcément mauvais, mais il faut prévoir qu'UKE peut enchaîner avec une autre technique. 

  • 1ère étape : Trouver une attaque plausible. Prenez l’une des postures du KATA et demander à votre partenaire de vous attaquer de manière plausible… une attaque naturelle qu’il ferait dans la situation où vous êtes… 
  • 2ème étape : Laisser le KATA parler pour vous : Faites votre KATA… Mais attention, faites vraiment votre KATA ! Ne pensez pas à essayer d’obtenir un résultat. Exécuter méticuleusement votre KATA. Pensez surtout au détail : un retrait du pied, une reprise de garde, une rotation de hanche, n’oubliez rien ! Chaque détail à son importance. 
  • 3ème étape : Laisser votre technique parler pour vous : Une technique vous semble naturelle, dans le temps : réalisez là. Vous verrez ensuite si le KATA correspond… 
  • 4ème étape : Laisser votre UKE (partenaire) parler pour vous : Plutôt que d’inventer des suites farfelues, travailler de manière sincère avec partenaire puis demander lui de « se défendre » naturellement… de chercher à ne pas subir votre technique. Vous verrez alors ce qu’il fait et vous pourrez sans doute trouver l’étape suivante du KATA !

Pour ce mois-ci, on en reste là ! Je vous sens sur votre faim : « mince, il nous donne même pas un tuyau précis, ou des idées ou des exemples de BUNKAI »… Ben non, sinon, j’irais à l’encontre de ce que vous ai dit… Mais, je peux quand même aller un peu plus loin alors le mois prochain, je vous donnerais quelques outils de travail et quelques clefs de décodages… En attendant, cogitez bien sur le KATA que vous aimeriez vraiment étudier !

2 commentaires:

  1. Selon ma propre réflexion, on peut considérer le kata selon la gelstat théorie (théorie de la forme) comme un tout qui est plus que la somme des techniques qui le constituent. Dès lors, les lois qui ont été énoncées autour de cette théorie ( loi de continuité, de similitude, de la bonne forme, de proximité,de clôture...) peuvent constituer des clés pour imaginer des bunkai de 2éme ou de 3éme niveau. Autrement dit il faut habituer notre esprit à voir entre les "vides" pour comprendre où se trouvent les principes cachés des kata.

    RépondreSupprimer