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jeudi 15 décembre 2016

Les BUNKAI (2/2)

Le mois dernier, j’ai reposé quelques bases générales sur les BUNKAI, je continue le travail en vous proposant quelques outils concrets de travail et des clefs de décodages que vous pourrez utiliser dans plusieurs KATA en fonction de ce que VOUS arriverez à découvrir… 


1 – Les outils de travail 


1.1 - « Le petit fantôme » 


Je dois rendre à César, ce qui appartient à César… c’est un ami 6ème DAN, Guy CROZET, qui m’avait fait découvrir ce concept et qui le nomme ainsi… « Le petit fantôme »… En fait, à chaque mouvement de KATA, il faut avoir en vue un personnage imaginaire sur qui on exécute les techniques du KATA… Au début, c’est difficile, alors on se concentre surtout sur la position relative du petit fantôme par rapport à soi-même, cela permet d’assimiler les déplacements, les distances, et de commencer à comprendre à quoi servent chaque déplacement : Est-ce que l’on se retrouve en face, sur le côté, derrière UKE ? Après, vous pouvez faire faire à votre petit fantôme ce qui vous plait : frappes, saisies, encerclements, étranglements… L’idée est d’avoir une visualisation suffisamment précise pour pouvoir réaliser vos techniques dessus… Cela ne gâche rien, les exercices de visualisation sont une forme de méditation dont les bienfaits sont excellents sur la santé (notamment lutte contre les maladies dégénératives) et sur les capacités de concentration.


1.2 - « L'UKE de moins en moins bête »


L’un des problèmes chez les débutants, c’est souvent les séquences de KATA ou TORI enchaîne les gestes et dans ce cas, votre partenaire (votre UKE), ne fait rien. Donc il prend 3 techniques identiques de suite. L’explication que l’on entend parfois est « répétition pédagogique »… Bon, pour des débutants ça va… mais, on est bien d’accord que ce n’est pas une explication tellement satisfaisante… Alors essayez cela et si par exemple, vous avez une série de 3 GEDAN BARAI ou de 3 TSUKI… Vous pouvez découvrir 3 ou 4 BUNKAI en travaillant de manière simple. 

  • BUNKAI 1 : UKE vous attaque, vous réalisez votre première technique, puis votre deuxième, puis votre troisième… UKE est soit lent, soit idiot, soit très coopératif… 
  • BUNKAI 2 : UKE vous attaque, vous réalisez votre première technique, mais UKE réagit (demandez à votre partenaire de faire quelque chose qui lui évite de ramasser, en général, tout le monde trouve)… dans la mesure où UKE a réagi, vos techniques suivantes ne vont pas s’enchaîner de la même manière et donc s’exprimer autrement… 
  • BUNKAI 3 : UKE vous attaque, vous réalisez votre première technique, mais UKE réagit, vous réalisez votre seconde technique, UKE réagit, vous réalisez votre 3ème technique, etc… 

A chaque fois, votre UKE devient moins lent, moins idiot, moins coopératif, il trouve quelque chose qui peut le « sauver »… ce qui vous oblige à utiliser le mouvement d’après… Plus les séquences sont longues, plus votre UKE devient un personnage irréaliste car réagissant de manière extraordinaire mais peu importe cela vous permet d’exprimer des techniques différentes sur une séquence… A l’extrême, cela reste un exercice mais peut tout à fait être réalisé sur un KATA entier… Dans ce cas, on parle de KATA KUMITE, un combat parfait entre 2 partenaires… 


1.3 - « La validation combat »


Enfin, c’est le juge de paix, un BUNKAI c’est d’abord, l’expression d’une séquence de combat… alors autant la valider en combat… mais pas n’importe comment. Enfiler des protections et faites votre séquence de KATA à fond, pleine puissance, pleine vitesse… et regardez ce qui se passe. Aucun risque de blesser votre partenaire puisqu’il y a les protections, par contre vous travaillerez pour une fois avec les vrais impacts, les vrais déplacements et la dynamique réelle des gestes… Les choses sont souvent différentes quand on y va « vraiment »… Les équilibres, l’encaissement, les appuis… vous pourriez découvrir des BUNKAI incroyables, que vous n’auriez pas pu imaginer… Car quand votre UKE va voir arriver l’une de vos techniques, il va faire des choses inédites pour éviter de se la prendre et du coup, vous allez pouvoir trouver des explications à certains mouvements que vous n’auriez pas pu comprendre sans cela.


2 - Quelques clefs de décodages... 


Les gestes que vous faites ont été appris d'une certaine manière... On vous a dit ici c'est un "GEDAN BARAI", ici c'est un TSUKI CHUDAN, mais en réalité, vous n’en savez rien, les gestes sont juste des « gesticulations » dans l’espace. A vous de leur faire exprimer ce que vous voulez par rapport à la situation de combat qui se déroule dans votre esprit… Ainsi : 
iculations » dans l’espace. A vous de leur faire exprimer ce que vous voulez par rapport à la situation de combat qui se déroule dans votre esprit… Ainsi : 


2.1 - Les blocages…


  • Les « blocages » sont des attaques… 
    • Un GEDAN BARAI peut devenir un TETSUI UCHI GEDAN dans les parties ou dans la cuisse…
    • Un AGE UKE peut devenir un WAN UCHI JODAN à la gorge…
    • Un SOTO UKE peut devenir un MAWASHI TETSUI UCHI JODAN à la tête…
    • Un SHUTO UKE peut devenir un SHUTO UCHI à la nuque.
  • Les « blocages » sont des clefs : Souvent le travail de l’HIKITE, la seconde main (HIKI-TE : la main vers l’arrière), permet un travail d’extension croisée qui traduit très souvent une clef… 
    • Un GEDAN BARAI peut devenir un KOTE GAESHI (clef de poignet en hyper-flexion et rotation)…
    • Un AGE UKE peut devenir un TEMBIN NAGE (clef de coude en hyper-extension par en dessous)…
    • Un SOTO UKE peut devenir un UDE OSAE (clef de coude par hyper-extension par le dessus)…
    • Un SHUTO UKE peut devenir MUNE GATAME (contrôle thoracique du coude par hyper-extension)
  • Les « blocages » sont des esquives : Les « blocages » sont pratiquement toujours réalisés en déplacement… Or le KATA ne précise pas si c’est le travail des bras, où le travail des jambes qui est important… Qui vous dit que le travail des bras n’est pas là pour matérialiser une garde (ou pour chasser les mouches) et que le vrai travail martial s’effectue avec les jambes !!! Les bras n’étant là que pour contrôler, pour préparer la suite, pour se placer…
    • Un GEDAN BARAI en GYAKU ZENKUTSU peut devenir un HIKI HIZA UKE (retrait du genou avant par extension de la jambe)…
    • Un AGE UKE en NEKO ASHI peut devenir un MAE ASHI HIKI UKE (retrait du pied avant par rotation des hanches)…
    • Un SOTO UKE en KIBA DACHI peut devenir un TENKAN NAGASHI UKE (évitement par pivot)
    • Un SHUTO UKE en KOKUTSU peut devenir un HIKI NAGASHI (évitement par retrait arrière)…
  • Les blocages sont des dessaisies : Il ne s’agit que d’exemple bien sûr parmi des centaines possibles, en fonction de l’axe de travail, de la synchronisation ou du séquençage du travail des 2 mains…
    • Un GEDAN BARAI peut devenir une dessaisie sur MAE DOSOKUTE DORI (saisie croisée du poignet)…
    • Un AGE UKE peut devenir une dessaisie sur MAE ERI DORI (saisie du revers)…
    • Un SOTO UKE peut devenir une dessaisie sur MAE KATATE DORI (saisie directe du poignet)… 
    • Un SHUTO UKE peut devenir une dessaisie sur MAE MOROTE DORI (saisie des 2 poignets de face)….


2.2 - Les projections

  • Les rotations sont des projections : Rare sont les KATA se déroulant sur un seul axe (NAIHANSHI ?), on y fait régulièrement des rotations à 90°, 180°, 270°, et même 360°… je ne parle pas de techniques retournées comme USHIRO URA MAWASHI GERI ou USHIRA URA MAWASHI URAKEN… Non, je parle de rotation à la fin des « séquences »… J’ai parfois entendu certains spécialistes expliquer parfois que les KATA enseignent à se battre contre plusieurs adversaires (ce qui est vrai) et qu’il faut donc apprendre à faire face de tous les côtés en pivotant (ce qui est vrai)… en revanche, cela n’explique pas tout… Par exemple, si je vois un adversaire s’apprêtant à m’attaquer par la droite… Je me vois plutôt faire ¼ de tours à droite et non ¾ de tours à gauche… Question de rapidité et de simplicité… On voit bien que cette explication n’est en réalité que peu satisfaisante… Non ! Si vous ne connaissez pas grand-chose en projection, même si les projections du KARATE sont quelque peu différentes des projections du JUDO / JUJITSU regardez un ou 2 tournois de JUDO, et prêtez attentions à l’UCHI KOMI (l’entrée) de la projection… Vous verrez que pour la plupart des projections de hanches, l’attaquant réalise ½ tours et continue ¼ de tours pour finir sa projection (donc ¾ de tours… J ), vous constaterez également que pour les projections d’épaules, souvent l’attaquant fait ½ tours et se baissent et que pour les projections de jambes, l’attaquant pivote souvent d’un ¼ de tours pour prendre son adversaire en porte-à-faux et ainsi le mettre en déséquilibre… Je ne dis pas que tous les ¼ de tours sont des projections de jambes (ASHI NAGE), que tous les ½ tours sont des projections d’épaules (KATA NAGE) et que tous les ¾ de tours sont des projections de hanche (KOSHI NAGE)… mais je vous dis que c’est une bonne clef d’entrée pour trouver des projections… Sans compter qu’il est logique à la fin d’une « séquence » de « terminer » son adversaire en le projetant par terre (pourquoi pas sur l’adversaire suivant…) ce qui permet de se remettre dans l’axe de l’agresseur suivant tout en le gênant…)
  • Les mains ouvertes sont des saisies : Un autre point permet de découvrir les projections… En combat lorsque l’on projette, on saisit l’adversaire, mais à chaque position de mains correspond certaines projections… On ne peut pas projeter de la même manière si on a les 2 mains au col, une main à la taille et une main sur le poignet, une main à la ceinture et l’autre derrière la nuque… Dans les KATA, surtout dans les formes KOSHIKI (anciennes…), les mains sont souvent ouvertes et adoptent des « positions » moins standards que SEIKEN (le poing basique), on retrouve ainsi KUMADE (pate de léopard), HIRAKEN (pate de tigre), NAKADAKA IPPON KEN (poing dragon), TOHO (pince), HIRA BASAMI (mâchoire de tigre), KEITO (crête de coq), …. Ces positions de mains permettent de saisir certaines parties du corps ou du tissu. Ainsi, les différentes gardes avant les rotations indiquent les positions des mains et donc la projection qui va suivre… Quand une position des mains vous parait obscure, figez-vous, demander à un partenaire de s’approcher sous plusieurs angles et distances, vous verrez que parfois, comme 2 pièces de puzzle, cela s’emboite naturellement. Un petit exemple simple, sur la fin d’un PINAN YONDAN / HEIHAN YONDAN, l’une des mains vient à la gorge pour l’attraper tandis que l’autre tient fermement le poignet de l’adversaire…


2.3 - Les répétitions sont des invitations


Là encore dans de nombreux KATA, certaines séquences sont répétées (quoi que cette démarche est plus présente dans les formes modernes… même dans certains KATA anciens des séquences reviennent plusieurs fois, parfois à l’identique, parfois avec des changements minimes…. En général les changements minimes témoignent d’une explication différente… Mais que faire quand la séquence est répétée à l’identique… ??? « Répétitions pédagogiques !!! », ah ah ah, très peu pur moi. Les répétitions sont en fait des invitations à réfléchir à l’utilisation différente de même mouvement…
  • Sur l’UCHI et le SOTO : En fait une simple séquence Blocage / Contre-attaque peut être exécutée à l’extérieur ou à l’intérieur d’UKE… 
  • Sur le TEMPO : Cette même séquence peut être exécutée avec des DE-AI (timing) différent : en GO NO SEN, TAI NO SEN, MACHI NO SEN, SEN NO SEN, SENTE, SEN NO SAAKI… A chaque timing les mouvements ne prendront pas la même signification… Tantôt un blocage sera dur en GO NO SEN, deviendra brossé en TAI NO SEN, jusqu’à n’être qu’esquissé en SEN NO SEN pour devenir une frappe de préparation en SENTE… etc
  • Sur le NB d'UKE : Cette même séquence peut être exécutée contre 1 UKE seul la première fois, contre 2 UKE la seconde fois (venant de devant et de derrière) et contre 2 UKE (venant de gauche et de droite) voire contre 3 UKE, à la 4ème occurrence… 


2.4 – Les directions

Bien sur dans le KATA, il y a un travail très important de spatialisation : les axes et les rotations sont très importants de sorte que le pratiquant face toujours face à son adversaire… mais pas que !
  • Les attaques ne viennent pas toutes de devant.
    • Ex : PINAN / HEIAN SANDAN, les dernières séquences avec les USHIRO EMPI UCHI, USHIRO FURI MAWASHI TSUKI… (De derrière)
    • Ex : PINAN YONDAN, la séquence d’ouverture à gauche peut se faire sur une attaque venant de l’axe principal (donc à votre droite)… 
    • Ex : l’ouverture du KATA KUSHANKU / KANKU DAI sur une tentative d’encerclement par derrière… 
  • Les attaques ne viennent pas toutes à la même hauteur.
    • Ex : KUSHANKU / KANKU DAI : quand on pose les mains au sol… 
    • Ex : PATSAI /BASSAI / BASSAI DAI, le SUKUI UKE ou plus loin les YAMA TSUKI… 
  • Les attaques ne viennent pas toutes d’un seul UKE.
    • Ex : JION, la 3ème ligne centrale, un superbe FUTARI GAKARI : défense contre double saisie des 2 mains par 2 UKE….
    • Ex : NAIHANSHI : les séquences avec le NAMI GAESHI … (bon en fait tout le KATA peut être présenté avec des attaques simultanées de 2 UKE…) 


2.5 – KOBUDO et KARATE

Enfin dernières clefs de décodages… le KOBUDO et le KARATE sont indissociables, parce que les Okinawaïens se défendaient avec les poings quand ils se battaient entre eux, mais contre les SAMURAI de SATSUMA en armure, ils n’utilisaient pas leur KENTO mais leur TIGUA (les outils de travail des paysans ou des pécheurs…) – Du coup, certains KATA servent pour plusieurs applications… 
  • Les KATA de KARATE cachent parfois des BUKI DORI (des défenses à mains nues contre des armes afin de désarmer UKE et de récupérer l’arme à son compte… 
  • Les KATA de KOBUDO révèlent parfois des BUKI NO TSUKAI (des défenses pour empêcher l’adversaire de vous prendre votre arme quand il essaye…) 
  • Quant au BUNKAI de KOBUDO eux-mêmes, il va de soi que si pour des commodités pédagogiques on propose souvent des BUNKAI « BO » contre « BO » en réalité l’agresseur peut aussi avoir un TAMBO (matraque), un TANTO (couteau), un KEN (sabre), un NAGINATA (hallebarde), un YARI (lance), un SANTSETSUKON (fléau d’armes à 3 branches)… Autant de possibilités pour autant de BUNKAI… 


Voilà, à votre tour, personnellement à chaque KATA que j’apprends, je m’efforce d’avoir au moins un BUNKAI satisfaisant qui fonctionne à pleine vitesse en combat… A vous de jouer.