Tout le monde dispose de tout un tas de petits trucs qui traînent depuis des mois… …et qu'on ne solde pas.
- Ce petit tas insultant qui rappelle à chaque fois que l'on passe que justement on doit le faire...
- Ce truc qui est sorti dans le salon mais qu'on ne descend pas à la cave…
- Ce mail dans la boite de réception auquel on s'est dit qu'on répondrait, il y a quoi ? Il y a déjà 3 semaines…
- Ce WE avec des amis qu'on remet toujours à plus tard…
- Ce truc dont on doit parler au bureau mais dont ne parle pas…
- Ce truc qu'on a acheté mais qu'on a toujours pas déballé…
- Ce job qui gave mais qu'on n'a toujours pas quitté…
- Cet examen médical que l'on repousse sans cesse…
- Cette réunion de famille à laquelle vous mettez toujours une plombe à répondre parce que vous n'avez que moyennement envie d'y aller…
- Cette déclaration d'impôts qu'on remet toujours à plus tard quitte à payer 10%...
Les exemples sont innombrables et chacun regardera dans sa vie pour trouver les exemples les plus pertinents : de la broutille purement organisationnelle à un choix de vie plus radical, d'un truc qui prend 5 min à un truc qui prend 3 jours, d'un truc insignifiant à un choix qui renvoie à la définition de ce que vous êtes… Procrastiner ne semble pas avoir de lien avec l'importance, la durée, le type de tâche… pourtant cela répond toujours au même processus!
1 - Le processus
La procrastination est possible car elle se fonde sur un mythe pour enfant… Si on attend alors une solution magique que les petits "nenfants" aiment beaucoup arrivera comme par magie et la magie ça n'existe pas…. Mais on attend, toujours un peu plus…
- Comme si ce meuble acheté il y a 2 mois allait se monter seul…
- Comme si ce truc commandé sur internet allait se déballer seul…
- Comme si ce sac de vieilles fringues allait se porter seul à Emmaüs…
- Comme si ces 2 WE cools qui se télescopent le WE du 15 Août allaient d'un coup d'un seul se séparer sur 2 WE distincts…
En réalité la procrastination est un processus mental qui nous pousse à remettre un truc à plus tard parce qu'on n'a pas envie de le faire ou pas envie de renoncer à le faire! Mais comme le ridicule intellectuel de cette volonté de ne pas arbitrer ne peut pas berner notre cerveau réellement, on s'invente tout un tas d'excuses qui permettent d'assumer le truc socialement et donc de berner partiellement la raison… de la renforcer par le jugement extérieur d'autrui…
- Ex : On repousse à plus tard un examen médical car il est la condition à engager un traitement ou un changement de vie qu'on n'a pas envie de mettre en œuvre… Donc tant que l'examen n'a pas eu lieu, en réalité, on n'a pas à engager le traitement… Ne pas se soigner est stupide et difficile à assumer socialement, mais ne pas parvenir à prendre un RDV… avec tous ces spécialistes toujours bookés, etc… ça , ça peut faire l'affaire au moins pour se mentir à moitié à soi-même avec l'aide des autres qui acquiesceront sans coup férir l'excuse ainsi offerte.
- Ex : On repousse à plus tard une réponse à un mail, car elle est la condition pour participer à un WE qui tombe le même WE qu'une autre activité… On n'a pas envie de choisir parce ce que cela veut dire que l'on va devoir renoncer à un truc puis en informer les autres… Ce n'est pas facile car ce type d'arbitrage renvoie en réalité à un système de valeur souvent opaque : est-ce que j'aime mieux ma famille ou mes amis… Bien sûr la question ne se résume pas comme cela, mais à bien y réfléchir si… parce que lorsque vous voulez vous convaincre que vous êtes plutôt famille… mais que ça fait 11 fois que vous plantez votre famille… refuser ce WE chez les cousins, c'est un peu acter cet arbitrage qui vous correspond.
2 - Les "bonnes raisons" !
Toutes les raisons que l'on donne ou que l'on se donne sont toujours de bonnes raisons… mais ce n'est pas la raison! On pourrait multiplier les exemples, mais en réalité, chaque procrastination renvoie à un arbitrage non fait ou que la raison a déjà faite mais que l'on n'a pas envie d'assumer… Alors pour assumer mieux ce non-arbitrage on a plein d'excuses…
- Je n'ai pas le temps…
- Je n'ai pas l'argent…
- Je suis fatigué cette semaine… (comme la semaine dernière et la prochaine)
- J'attends un rdv chez le médecin (que je ne prends pas depuis 3 mois)
- J'attends la réponse de M. Tartempion (à qui j'ai vaguement envoyé un mail, sans trop le relancer)
- Je suis tout seul pour le faire et il faut au moins être 2…
En réalité toutes ces raisons sont de bonnes excuses au premier niveau : Comme tout le monde procrastine, et bien la plupart des gens va vous approuver devant votre difficulté… Mais chacun sait que si ces raisons peuvent objectivement être vraies… aucune ne représente LA vraie raison! D'ailleurs, un exercice mental permet de s'en convaincre… Il suffit de dire "Et si"…
- Et si j'avais l'argent? Ah bah si j'avais l'argent, je sais pas si finalement je le claquerais là dedans… Alors tu claques ou tu claques pas ton pognon?
- Si tu claques : alors Budget, planification et demande-toi plutôt quand tu auras l'argent plutôt que de dire que tu ne l'as pas…
- Si tu ne claques pas : alors renonce au projet, dis-le et assume-le, c'est vrai qu'il avait l'air cool ce projet et tout le monde le trouvait cool mais toi tu as le droit de penser qu'il ne l'est pas et pas assez pour que tu y claques ton pognon, et tant pis ce que les autres pensent…
- Et si j'avais le temps? Ah bah si j'avais le temps, je sais pas si finalement, je le ferais… je suis intéressé mais cela parasite d'autres trucs qui me plaisent… Alors tu prends le temps où tu le prends pas?
- Si tu le prends : alors tu n'as plus qu'à prendre ton agenda et à planifier dans un délai raisonnable le truc… un truc de 5 min devrait pouvoir se planifier sous 2 jours, un truc de 30 min devrait pouvoir se planifier sous 1 semaine, un truc de 2 ou 3 heures devrait pouvoir se planifier sous 2 à 3 semaines, un WE devrait pouvoir se planifier dans le trimestre… Si ça vous semble exagéré c'est que vous n'avez pas vraiment la motivation de le prendre ce temps qui vous fait défaut.
- Si tu ne le prends pas : alors renonce, ce truc que tu as acheté sur un coup de tête, revends-le ou jette-le… même si ça te coûte du fric, de toute manière il est perdu ton fric, tu as acheté un truc bêtement dont tu ne te serviras jamais… Assume!
- Et si j'étais pas fatigué? Ah bah si j'étais pas fatigué, je le ferais dans l'instant tu vois… Ok alors, quelle est la prochaine fois où tu ne seras pas fatigué…. Comme cela tu peux planifier d'entrée le truc…? Ah bah en fait, c'est que tu attendais que quelqu'un d'autre le fasse pour toi?
- Alors assume, dis honnêtement que ça te gave de le faire, on a parfois le droit de se choisir égoïstement et même que parfois l'autre va te prendre en pitié et accepter de le faire ou alors il n'a pas envie non plus et ça va fritter… Mais à la fin on saura qui le fait (toi ou l'autre ou les 2 qui sait… )
- Alors accepte le ridicule de la situation et fais le truc même si ça te saoule, parce que sinon ça va finir en engueulade de toute façon! Choisis l'autre, et fais un effort.
- Et si j'avais un rdv chez le médecin? Ah bah au moins je saurais à quoi m'en tenir et du coup, je n'aurais plus d'excuses, alors je cherche pas vraiment à l'avoir ce rendez-vous, et puis je préfère avoir un rdv avec un autre expert plus renommé… En réalité, tu es le patron, l'avis des médecins comptent mais pas que… En fonction du problème tu peux les suivre docilement, tu peux intégrer une partie de leur expertise dans ton mode de vie, ou tu peux t'en foutre et parier sur l'avenir ou te dire que tu préfères brûler la chandelle mais libre… C'est ton choix!
- Si tu veux passer outre, tu as le droit de le faire, mais ne dis pas que c'est parce que tu n'as pas réussi à les voir… dis plutôt que tu n'es pas d'accord avec eux où que tu te fous de leur avis.
- Si tu veux pas passer outre, alors prends un rdv sur Doctolib, il faut 5 min pour trouver un spécialiste…
- Et si tu avais la réponse de M. Tartempion? Si tu avais la réponse de M. Tartempion, tu devrais choisir entre annuler ou maintenir ce truc que tu as organisé ? En réalité, est ce que la réponse de M. Tartempion est réellement indispensable?
- Si elle est indispensable, alors appelle-le tout de suite, et tranche à la fin de l'appel, j'annule (si j'ai une réponse pas ferme) et je maintiens (si j'ai une réponse ferme)
- Si elle n'est pas indispensable, alors arrête de te cacher derrière sa réponse, monte ton organisation comme il se doit ou annule sans attendre sa réponse…
- Et si je te donne un coup de main? Ah bah en fait, je sais pas, je suis pas trop en ce moment…. Et puis ça risque d'être compliqué? Et puis j'ai pas les outils…? Etc… Là encore, est ce que la présence d'un numéro 2 est essentiel ou pas?
- Si oui ? Qui peut m'aider ? Si j'ai le nom, je l'appelle et je lui demande quand? Si je trouve personne alors je renonce ou je trouve une stratégie plan B…
- Si non, alors j'en reviens au numéro 2 qui est que je n'ai pas le temps…
D'ailleurs, la vie vous joue parfois des tours, certains de vos proches, familles, amis, collègues… vont vous tendre une main secourable : mais je te les prête moi ces 150 balles qui te manquent… mais je viens te donner un coup de main si tu veux… mais je le connais lui, si tu veux je l'appelle… Mais qu'est-ce que ces emmerdeurs viennent me flinguer mon alibi social qui m'aidait à me lover dans le confortable mensonge à moi-même que j'arrivais à presque me faire! Car en faisant sauter ces bonnes raisons qui sont toutes objectivement valables, on se retrouve en face de la vraie raison première!
3 - Les 2 "vraies bonnes raisons" et les vraies mauvaises conséquences"
Les "vraies bonnes raisons".
On ne peut procrastiner que pour 2 raisons réelles et si on le fait pour ces 2 raisons alors on ne procrastine pas!
- Remettre à plus tard l'arbitrage / la décision : C'est possible mais c'est parce que l'on a besoin d'une information complémentaire. Dans ce cas, inutile de procrastiner, il suffit de :
- Prendre l'information immédiatement auprès du bon interlocuteur ou de la bonne source… ou éventuellement de planifier cette prise d'information dans un délai raisonnable afin qu'elle ne serve pas d'excuse…
- Se mettre une deadline pour prendre la décision finale (avec ou sans l'information complémentaire… car si on n'a pas réussi à l'obtenir autant se dire qu'il va falloir décider sans!)
- Remettre la réalisation à "plus tard"… : C'est possible également, mais c'est uniquement un problème de logistique et d'organisation… Il y a une solution simple : "plus tard" n'existe pas… en général quand on remet quelque chose à "plus tard", "plus tard" le remet lui à "jamais"… Plus tard n'a pas d'existence dans le calendrier… Vous pouvez le remettre à 18h00, à Mardi prochain, au 15 Avril 2019, tous ces créneaux existent mais "plus tard" n'existe pas…
En fait cela revient tout simplement à de la gestion du temps, mais lorsque les choses sont planifiées, elles ne sont pas procrastinées, elles sont réelles, tangibles, elles vont advenir…
Une procrastination lourde de conséquences et parfois pire…
2 conséquences systématiques à la procrastination…
- D'abord, votre cerveau génère un bruit de fond organisationnel… Car ce petit arbitrage non rendu existe et il a toujours une empreinte réelle qui vous y renvoie… Cette petite partie de votre cerveau qui "a cela à l'esprit", est une forme de stress psychologique insidieux qui s'accumule à tout le reste et qui à la longue fatigue.
- Ensuite, le fait de ne pas assumer les arbitrages et de tenir la posture à grand renfort de béquilles socialement acceptables affaiblit la confiance en soi et la capacité à justement assumer ses choix et à éclaircir ses motivations.
- En outre, l'absence de résultat ou de résultat différé diminue aussi la confiance que l'on a en soi à finir quelque chose...
1 conséquence contextuelle pas systématique mais souvent la pire sur le moment
- Enfin la procrastination peut parfois conduire à une tierce solution pire… C'est le fameux "paradoxe de l'Ane de Buridan" (qui n'apparait dans aucune écrit de Jean Buridan et qui était une "ânesse" si on en croit "L'éthique" de Spinoza mais passons) qui meurt de soif car il n'arrive pas arbitrer entre manger d'abord ou boire d'abord alors qu'il est tiraillé entre la faim et la soif…
- Exemple pas grave : J'hésite entre partir en voyage et aller à un mariage… J'hésite parce qu'il est dur d'assumer auprès des futurs mariés que je préfère aller en République Dominicaine que d'aller à leur mariage… Je suis contraint d'annuler le voyage parce que j'ai trop attendu et les billets sont désormais hors de prix et je dois soit laisser tomber le mariage soit assumer que je vais au mariage mais qu'ils sont un second choix…
- Exemple grave : je n'ai pas envie de changer de mode de vie (arrêter la clope) alors je ne vais pas passer ma radio des poumons… J'hésite parce que je ne suis pas prêt à renoncer à mon quotidien mais pas plus prêt à renoncer à ma vie sur le long terme…? Finalement je n'arrive pas à arbitrer entre vivre un mode de vie qui me plait et vivre longtemps… J'attends 10 ans et puis le médecin m'annonce que j'en ai pour 3 mois et que je peux pousser à 3 ans si je change de mode de vie, cet empaffé me dit qu'on aurait pu faire mieux si j'étais venu plus tôt…
Conclusion : La procrastination, c'est pour les enfants… Vous pouvez casser le thermomètre ou vous en servir à bon escient… Le jour où vous ne procrastinez plus, vous aurez grandement avancé sur vos motivations, vos choix, vos valeurs et accessoirement vous serez devenu quelqu'un d'objectivement plus efficace, plus confiant et plus simple à vivre pour les autres… … et il vous faudra trouver autre chose pour avancer…
Par contre, ce n'est pas parce qu'on fait tout toujours comme une machine que l'on sait forcément où l'on va. Choisir de ne pas faire est aussi un choix qu'il faut savoir faire… Ce n'est dans ce cas plus de la procrastination… Parce que faire comme un automate beubeu et besogneux n'est pas tellement plus efficace… mais bon, ça pourrait faire l'objet d'un autre billet.
Et si vraiment vous volez tout comprendre...
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